Description du Projet colibris

Le groupe d’oiseaux pour lequel nous avons probablement le moins d’informations concernant les déplacements et les corridors de migration est celui des Trochilidés. On compte parmi cette famille, pas moins de 329 espèces et seulement 29 d’entre elles sont considérées comme des espèces migratrices de longues distances, dont le Colibri à gorge rubis (Archilochus colubris) (Rappole et coll., 2003). Dans l’est du Canada, le Colibri à gorge rubis est le seul représentant de cette famille et en général, les routes migratoires de ce dernier sont très peu documentées (Robinson et coll.,1996). Ce manque de connaissances est associé à la petite taille des colibris, à leur rapidité de mouvement, au fait qu’il est presque impossible de les détecter au chant et par l’inexistence d’une technologie qui nous permettrait de localiser et de suivre ces petits oiseaux. Quoiqu’il existe depuis longtemps plusieurs stations de baguage de colibris à travers les États-Unis et l’ouest du Canada, aucune de ces stations ne permet de documenter la morphométrie, la phénologie de migration, ainsi que les taux de recrutement et de survie du Colibri à gorge rubis au Québec, où il est à la limite nord de sa distribution géographique.

Mis à part les informations obtenues via les feuillets d’observations ÉPOQ et les observations compilées dans la base eBird, très peu de données ont été recueillies concernant les dates d’arrivée des colibris dans les différentes régions du Québec. Comme nous sommes à la limite nord de la distribution de cette espèce, il serait intéressant de pouvoir déterminer la phénologie de la migration ainsi que les différents corridors de déplacements que les colibris utilisent pour venir se reproduire à nos latitudes. Afin de combler ce manque d’informations, nous avons, en 2006, démarré un projet bénévole de baguage de colibris et de récolte des dates d’arrivées et de départs de ces oiseaux, partout au Québec, en sollicitant la participation du plus grand nombre possible d’ornithologues amateurs, via notre site web www.projetcolibris.org, tous les quotidiens et hebdos du Québec ainsi que les forums ornithologiques.

Notre station de baguage principale se trouve dans une cour privée d’environ 1 hectare, à Stoke en Estrie (environ 130 km à l’est de Montréal), où, depuis environ 10 ans, Jacques Turgeon prend soin de maintenir une trentaine d’abreuvoirs afin d’y attirer les colibris. Ainsi, depuis ce temps, il observe des centaines de colibris qui y font un arrêt pour refaire le plein d’énergie. Comme les colibris dépendent grandement du nectar disponible dans leur environnement (Rappole et al, 2003) et qu’ils semblent se déplacer selon la distribution et les quantités connues de cette ressource (Willimont et coll., 1988), cet endroit est tout à fait approprié pour nous permettre de récolter des informations sur les colibris étant donné l’abondance et la fiabilité de cette source de nourriture.

Toujours en suivant les mêmes objectifs et les mêmes lignes directrices, nous avons, en 2007, ouvert une autre station du même genre à Orford, également en Estrie et en 2009, une autre à Berthier-sur-Mer dans Chaudière-Appalaches. En 2011, nous comptons en ouvrir une autre à Mont-Laurier dans les Laurentides. Ainsi, en augmentant le nombre de stations de baguage de colibris dans la province, nous espérons être en mesure de cerner encore plus précisément les corridors de déplacements des colibris. De plus, parce que nous avons développé une expertise dans ce domaine, unique au Québec, nous espérons, à moyen terme, être en mesure de former d’autres bagueurs de colibris et ainsi ouvrir d’autres stations de baguage dans des secteurs clés pouvant servir de corridors migratoires pour l’espèce.

Depuis 2006, nous commençons à capturer les colibris dès leur arrivée à notre aire d’étude, pour terminer à la fin du mois de septembre. Les colibris sont capturés à l’aide de filets japonais et de pièges (Hall trap et autres) utilisés par les bagueurs de colibris à travers le Canada et les États-Unis. Nous baguons les colibris et les marquons sur la poitrine à l’aide d’un crayon-feutre non toxique et sur le dos avec une peinture acrylique aussi non toxique. Nous déterminons le sexe et l’âge de chaque oiseau et prenons plusieurs données morphométriques telles que la longueur du culmen et de l’aile, la masse, le nombre de parasites, un indice de la quantité de gras, de même qu’un indice du stade de grossesse, des femelles capturées au printemps. Depuis le printemps 2006, nous avons bagué et marqué 1350 colibris et de ce nombre 170 sont retournés au moins une fois à leur lieu de capture. De plus, en 2007, nous avons recapturé une femelle qui avait été baguée au Texas en 2005 et en 2009, un mâle qui avait été bagué en 2007, dans la même région. Ces mentions constituent les plus longs trajets connus entre un site de capture et de recapture pour l’espèce, soit une distance d’environ 2700 km à vol d’oiseau. De plus, nous avons eu des mentions de colibris portant une marque, dont quelques-uns à des distances entre 100 et 200 km de leur lieu de capture. À cela s’ajoute les dates d’arrivée, pour les individus de chaque sexe, qui nous sont fournis par environ 1500 passionnés de colibris à travers le Québec et même en Ontario et Nouveau-Brunswick.

Afin d'augmenter le nombre de participants et pour sensibiliser la population à l’existence du projet, plusieurs conférences ont été données dans les écoles primaires et plusieurs clubs ornithologiques de la province et notre projet à fait l’objet d’un superbe reportage de l’émission la semaine verte, diffusée sur les ondes de Radio-Canada et disponible sur notre site web. Finalement, plusieurs partenaires financiers ont contribués aux succès de ce projet, notamment, Étude d’oiseaux Canada, Protection des oiseaux du Québec, l’Université de Sherbrooke et le Biodôme de Montréal.

Quelques résultats

Suivi des colibris à l'aide de transpondeurs (pit tags) --- Charette & al

Monopolisation des ressources alimentaires dans une population marquée --- François Rousseu

Influence de la structure du paysage sur les mouvements et les stratégies de quête alimentaire du Colibri à gorge rubis --- Yanick Charette

Les effets directs et indirects de la structure du paysage sur l’utilisation d’îlots forestiers par le colibri à gorge rubis --- Claudie Desroches